Archives mensuelles : février 2006

Le mur

Le plus bête, c’est de juger l’histoire comme si on la faisait; c’est d’en juger d’un point de vue narcissique. Certains disent par exemple: ce mur entre Israël et Palestine, quel honte, c’est indigne, inadmissible, il faut à tout prix enlever ça! Et pourtant, si ce mur coûteux s’est dressé peu à peu, puis avec décision, cela exprime peut-être qu’il y a un mur entre ces deux peuples ou entre monde juif et monde islamique. C’est peut-être un report du mur de ghetto qui entourait les présences juives en terre d’Islam, et qui n’a pas suffi à protéger ces présences, puisqu’il a fallu que tous ces gens déguerpissent, dès que l’idée de souveraineté juive s’est affirmée, avec l’Etat hébreu. Le point de vue narcissique consiste à voir l’objet, le mur, comme s’il était érigé par des gens bêtes et méchants, qui ne pensent pas comme "nous". Car "nous" disons que ce mur doit disparaître, que c’est une honte, etc. Mais il disparaîtra, comme tant d’autres, quand il sera inutile.

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Dialogue sur les horribles caricatures

Pourci et Pourça sont assis au café et s’énervent:

"Pourci: -D’accord pour la liberté d’expression, mais on a beau tourner l’affaire dans tous les sens, un fait demeure: les Musulmans sont blessés, vexés, et quand un aussi grand nombre de gens se sent, même à tort, insulté, alors il faut s’abstenir d’une liberté qui a de tels effets. C’est une question de tact, d’élégance…

Pourça: -En somme, vous demandez aux peuples d’Europe un acte d’amour envers les peuples islamiques; qu’ils sacrifient une part de leur liberté d’expression pour que les autres se sentent mieux.

Pourci: -Oui, et pourquoi pas?

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Réfléchir sur l’éthique de certains journalistes

J’ai publié récemment un livre: CREATION. Essai sur l’art contemporain.

Voici ce qu’en a dit l’hebdomadaire Le Point; et ma réponse.

Article du Point:
« De la méconnaissance de l’art contemporain »

L’art contemporain n’a jamais été autant à la mode et les esprits les plus productifs se mettent à s’intéresser au sujet. Dernier exemple en date, le psychanalyste Daniel Sibony, qui publie au Seuil « Création, un essai sur l’art contemporain » (22€). Au chapitre « Comment se fixe la valeur d’une œuvre », il tente même, bien maladroitement, d’expliquer le système des cotations. Il donne en exemple une des pièces les plus fameuses de l’art contemporain, une « Pharmacy » de Damien Hirst. Mal lui en aura pris. Ce qu’il croit être une peinture – « beaucoup de médicaments peints avec soin, avec jubilation » – est, en fait, comme tous les amateurs le savent, un véritable meuble contenant des médicaments, un « ready-made », comme les appelait Duchamp. Le prix record en matière de « Pharmacy » est de 1,8 million d’euros. Sibony parle de 1 million… Pour cette somme-là, mieux vaut ne pas se tromper sur la marchandise.
Dans le futur, le marché de l’art, si attirant par son caractère scandaleusement excessif, devrait encore susciter de nombreux commentaires erronés et cela bien avant que ses cours ne chutent.

Réponse de Daniel Sibony:

« Méconnaissance de la vie »
L’article du Point, (12/01/06) non signé, intitulé « Méconnaissance », évoque mon livre CREATION Essai sur l’art contemporain; et dit que j’ai pris pour un tableau un ready-made de Damien Hirst qui représente une pharmacie – car je parle de « médicaments peints avec soin, avec jubilation ». L’auteur jubile de prouver mon incompétence. L’ennui est qu’il se trompe: je parlais bien de tableaux, tout à fait peints par D. Hirst, sur le thème de la pharmacie, et « peints avec soin ». J’en ai vu quatre à New-York, Galerie Gagosian; l’un d’eux est parti à près d’un million; les autres, à plus de quatre cent mille. Hirst a fait deux « ready-made » sur ce thème, mais je parlais des tableaux.

Donc, ce journaliste organise la faute pour pouvoir la dénoncer. De quoi est-ce le symptôme? Pourquoi ce petit gâchis?
1) Il est plus pratique de déconsidérer un auteur plutôt que d’aborder sa pensée (des fois qu’il en ait une, et qu’elle soit neuve, quel boulot…).
2) Lorsqu’on marine et qu’on ressasse dans tel domaine, on s’irrite de voir l’étranger, forcément « novice », débarquer et dire des choses originales.

P.S. Cette réponse n’est pas encore parue. Espérons qu’elle paraisse vite. Peut-être que l’intervention des lecteurs du Journal « Le Point » pourrait aider à la faire paraître.

« Le Point »
Franz-Olivier Giesbert, Directeur