Archives mensuelles : décembre 2011

Fête des lumières

L'idée de cette fête, c'est qu'en libérant le Temple, les Hasmonéens ont trouvé un peu d'huile qui a duré plus que prévu. L'huile qu'ils ont trouvée a permis plus de lumière… Or, en un sens, il y a toujours plus de lumière, à condition de voir, et pas seulement de prévoir. Quand on ne fait que prévoir, on met l'avenir dans le passé; quand on essaie de voir, on lance une lumière sur l'inconnu, on cherche, on voit plus loin.

Hanouccah. Le mot veut dire inauguration. Il contient aussi la racine de l'éducation (hanokh, hinoukh); et de l'acte inaugural. Ici c'est l'acte où il y a eu plus-de-lumière que prévu. C'est un exemple de l'acte qui crée un peu plus de lumière (une bougie de plus par jour…), et qui prétend révéler un peu plus d'être. Outre le sens évident: faire partie du peuple qui veut marquer cela.

Ils ont donc trouvé plus-de-lumière. Hanouccah, d'une année sur l'autre, ajoute de la lumière à celle de l'an passé. Et chaque jour, on met une lumière de plus que le jour d'avant, pendant 8 jours. Ainsi, on met en acte ce plus-de-lumière, cet un peu plus, jusqu'à 8 jours: une semaine "plus 1". On boucle ainsi une unité de temps. [note: En fait, il y a encore le "+1" du shamash, mais laissons-le de côté.] On boucle une unité minimale: la semaine+1. Le 8ème jour, dans la tradition, symbolise le temps messianique, la fin de l'exil… En tout cas, on ajoute un peu plus de lumière jusqu'à atteindre l'unité qui déborde sur l'autre temps.

Donc, Hanouccah c'est la fête du "plus-de-lumière". C'est une transmission de lumière… Du reste, on est rarement dans le noir total, on est souvent dans un manque de lumière. Donne plus de lumière! As-tu assez de lumière?Eclaire-moi plus! Explique-toi! Goethe a eu pour dernier mot, juste avant sa mort: "Mehr licht": plus de lumière…

Le miracle "officiel", c'est qu'ils ont eu plus de lumière; "ce qu'il y a", s'est fécondé, multiplié. Signe d'une ouverture sur l'être, en l'occurrence divin – qui accroît l'être de ce-qui-est. Mais le vrai miracle c'est de faire passer cela, chaque année durant 8 jours, d'une année sur l'autre, sur vingt-deux siècles… Ce supplément de lumière par unité de temps. On célèbre, on invoque le fait que ça donne plus qu'il n'y avait.

Plus de lumière. Ailleurs, dans la Bible, c'est plus de pain que ce-qu'il-y-a. Il y avait peu à manger, et en fait il y a plus. Multiplication des pains, reprise par d'autres récits. La multiplication est une transmission dans l'instant. Ici, c'est une passation de lumière. L'enjeu de cette luminosité, c'est d'approcher l'Autre-lumière…

On est tous porteurs de lumière, puisqu'on est visibles… Voir quelqu'un, c'est percevoir la lumière qu'il renvoie. C'est déjà bien de rencontrer des gens qui renvoient de la lumière. Il y en a qui ne renvoient rien. En physique, ça s'appelle des "corps noirs"; des "corps" qui absorbent tout. Ils sont trop lourds. Dans le cas des humains, ils ont peur de la perdre, leur lumière.

Voir est un acte. Voir la lumière de l'être divin, la lumière d'être, c'est ce que nomme la Ménorah, le "chandelier", l'objet de l'éclairement, que Hanouccah reprend. Dans le récit fondateur, ils sont entrés dans le Temple, (le Second Temple) et ont voulu l'allumer. Cet objet symbolise l'existence de la lumière "normale" et de l'Autre-lumière; il porte deux lumières, pour rappeler que l'une appelle l'Autre.

C'est dit dans certains versets bibliques: nér adonaï nishmat adam : la lumière de l'être divin c'est l'âme de l'homme (Psaumes). Inversement, l'âme de l'homme c'est la lumière de l'être-divin. Donc, avoir souci de ce plus-de-lumière, c'est avoir souci de l'âme, qui cherche à gagner la lumière, un peu plus.

Le psaume qu'on chante lors de l'allumage réfère à l'inauguration de la Maison, donc du Temple. Il dit: "Je te glorifie, Adonaï, car tu m'as tiré" [comme d'un puits]. Comme Joseph, donc; l'homme, dans le trou est tiré vers la lumière. "Et tu n'as pas réjoui mes ennemis de moi" … "Tu m'as sorti des ténèbres du Shéol, tu m'as fait revivre de ma chute". L'être divin est évoqué comme ce qui fait passer de l'obscurité à la lumière. Parfois c'est l'inverse: quand la face de l'être est cachée. Le poème dit: tu as caché ta face, je me suis affolé (histarta pnékha haïti nivhal). L'être divin peut cacher sa face. [note: Certains ont "expliqué" ainsi la Shoah, mais ça n'explique rien, car pourquoi il a caché sa face à ce moment-là? et aussi longtemps. A moins de dire qu'Auschwitz est la face cachée du divin; ce qui n'"explique" rien non plus, cela nomme la Chose autrement.] Le poète demande à Dieu de ne pas cacher sa face trop longtemps. En d'autres termes, il se souhaite d'exister sur un mode qui ne soit pas coupé de l'être; de l'être-vivant-créant, auquel il en appelle. Et qu'est-ce qu'on peut appeler d'autre que ce qu'on n'est pas? à moins de s'appeler soi-même comme autre? Et c'est l'idée forte du psaume: A quoi servirait-il que je reste immobile, que je sois mort, que je descende dans l'abîme? Est-ce que le sable peut te glorifier? Est-ce qu'un cadavre peut chanter la création? C'est à entendre comme un symbole.

L'être voudrait donc être glorifié, comme le sujet voudrait sortir du trou où il est tombé. Il faut qu'il se passe quelque chose, car l'être risque de ne pas être glorifié si le sujet reste dans le trou. Sortir du trou vers la lumière, en s'adressant au divin, c'est le glorifier. C'est la joie du retournement.

YHVH, opérateur de retournement, cela signifie seulement que même dans le trou, dans le puits, il y a l'espoir d'un peu plus de lumière; un peu plus d'être, et déjà d'ouverture. Etre dans le trou et croire qu'on va y rester, c'est être désespéré, c'est un acte d'idolâtrie. C'est croire que l'être divin a dit son dernier mot vous concernant; que la création entière s'est mobilisée pour dire: celui-là ne sort pas du trou. C'est prétentieux de le croire. La création ne vous a peut-être même pas remarqué… Donc quand vous dites: "C'est le noir total, il n'y a plus de lumière pour moi", vous dites que les sources de lumière sont taries, épuisées. Vous posez que l'être lumineux est fini. C'est un acte purement narcissique.

Donc, dans ce mot Hanouccah, on inscrit quelque chose qui est propre à la lumière, qui est inaugural. Ce qu'il y a d'originaire dans la lumière, c'est ce qu'elle a d'inaugural; au-delà d'inaugurer le "Temple", lieu supposé de la rencontre avec le Nom. Ce qu'elle a aussi d'inaugural, la Genèse l'a marqué posant comme "première" parole de la création: Soit la lumière (yéhi or). Il y a une secousse de l'être qui exprime: Voyons voir… Et cela donne le premier événement créatif, la lumière… Toute création est une transmission de lumière initiale.

Cette lumière première, originaire, propre à la Création, c'est aussi celle que nous vivons quand nous faisons une vraie rencontre. Rencontrer quelqu'un c'est voir sur lui l'Autre-lumière qu'il renvoie. Si vous ne voyez chez lui que le reflet de votre lumière, vous êtes content de rencontrer une autre image de vous, c'est une jouissance narcissique – pourquoi pas, il faut de tout dans la palette des jouissances – mais ce n'est pas ce qui vous ouvre d'autres possibles. Si en revanche vous rencontrez sa façon de prélever l'Autre-lumière, qui est différente de la vôtre, la rencontre met ensemble deux façons de prélever la lumière-autre. Ce que toute vraie rencontre actualise, c'est l'originaire de la création, l'origine de la lumière, son transfert, via l'un-peu-plus-de-lumière, signe d'un certain combat pour la vie.

Ce n'est pas pour rien que dans la rencontre on s'attache au regard, il renvoie la lumière et il en promet une autre. Mais la rencontre ne s'y réduit pas; l'enjeu de la rencontre est au regard de l'être et au regard des mots.

Imaginez la Ménorah qui est à Rome sur les bas-reliefs de Titus; elle est immobile, pétrifiée; symbole de la défaite, du Temple détruit. Et pendant qu'elle était là en train de se fixer, de se sceller, un autre cycle d'éclairement (de Ménorah) était lancé, depuis des siècles déjà, comme si cette Ménorah, des sages l'avaient prise, l'avaient allumée, avec tout juste ces petites lumières, et l'avait projetée dans le noir de l'espace-temps où elle ne cesse de faire des tours, chaque année et de revenir en comptant de 1 à 8, fort subtilement: 1+1, 1+2, 1+3, jusqu'à 1+8. [note: Comme à Kippour; et là, on voit le rôle du shamash…] Ce chandelier a été arraché à sa tombe, à sa pétrification, et lancé comme un défi, un flambeau multiple qu'on se passe, en apportant sa petite part de clarté.

            Enfant, j'aimais regarder cette lumière de Hanouccah, quand tout le reste était éteint. Elle faisait jouer les ombres, elle jouait avec le noir, chaque mèche clignotait, et s'éteignait. J'ai compris pourquoi le chandelier du Temple devait "lancer une lumière de toujours" (nér tamid), qui ne s'éteint jamais. Celle de la transmission de vie. Chacun peut mourir mais la transmission de l'humain ne meurt pas.

 

Politiques irréelles

 

Les échos de la foire politique posent souvent des questions qui les dépassent. Ainsi j'entends parler tel responsable du vote des étrangers, comme d'une urgence raisonnable; et je me suis demande ce que cela peut faire aux millions de gens qui votent, de plein droit, et qui n'en ont recueilli qu'une totale frustration. Un autre rappelle le scandale des sans-papiers, des gens qui doivent vivre dans l'irrégularité. Puis un candidat important martèle dans son discours que son but, c'est que "personne ne soit exclu". Et j'ai pensé à la détresse des inclus, qui du fond de leur inclusion, de leur évidente intégration – ils sont bien français depuis "toujours" – voient non seulement qu'ils n'arrivent à "pas grand-chose", alors qu'ils travaillent assez dur, mais voient s'effondrer leur espoir que leurs enfants auront mieux. Ils les voient buter sur un mur invisible, bien qu'armés de bons papiers, d'identité ou de diplômes qui ont coûté des sacrifices.

La tendance à se passionner pour des minorités, qui est très honorable, mais au prix d'un oubli total de la détresse majoritaire – que partage d'ailleurs aussi les minorités, mais par d'autres biais, mérite sûrement réflexion, puisqu'elle a produit, en passant, cette folie de croire que les grands problèmes dans ce pays tiennent aux étrangers, alors qu'à la rigueur, il tiendrait à la façon dont les gens deviennent étrangers à leur vie (et l'on s'invente un danger lepéniste, alors que ladite candidate serait battue par n'importe quel autre au second tour, mais cela permet de faire croire que là se joue l'essentiel).

Revenons à ce coup terrible, au niveau de l'intergénérationnel, où le saut bénéfique qu'on attendait ne se produit pas – les enfants "rament" face au même horizon, bouché. Ce coup dur généralisé n'anime pas vraiment les discours politiques, qui sur ce fond d'implacable réalité, déversent des convictions irréelles, des urgences qui ont sans doute leur valeur mais qui sont tellement loin de ce que vivent la plupart des gens. S'y ajoutent les discours sur la crise, où l'excès de technicité cache mal l'évidence que tout le monde a perçue, à savoir que l'industrie de l'argent a vendu des produits pourris, recommandés par les banques, que cela aurait dû être régulé en amont, mais que les régulateurs eux-mêmes, hauts-responsables de l'Etat, ont aussi écoulé des prêts impossibles à couvrir. De sorte que cette crise, non seulement déconsidère les tenants du libéralisme (pour qui il n'y a qu'à vendre et acheter ce qu'on veut, comme si les produits frauduleux s'éliminaient tout seuls) et les tenants de la régulation, qui oublient que les régulateurs peuvent être très malhonnêtes; tout comme naguère les avant-gardes révolutionnaires qui voulurent d'abord assurer leur jouissance.

Si j'évoque la crise sous cet angle un peu cru, c'est qu'elle aussi pose une question angoissante au niveau de l'entre-deux-générations: ceux qui peuvent épargner sur les fruits de leur travail aimeraient bien laisser des choses à leurs enfants, mais les voilà encombrés de leur épargne, ne sachant pas quoi en faire; au moment même où l'Etat aimerait bien, pourrait bien faire un emprunt, et où le public aurait aimé y placer son argent s'il n'avait pas, tout simplement, perdu confiance. Si donc l'épargne ne "sait" plus où se mettre, au point que l'immobilier, dans certains quartiers, a augmenté de 30% car il apparaît comme une valeur-refuge, c'est qu'il y a quelque chose de malade dans le circuit de la richesse, de l'épargne, de la monnaie, de l'industrie "classique" – celle dont le matériau n'est pas la finance mais l'envie de faire, de fabriquer, de créer du palpable. Je pense à des sites et des régions où les structures, pour ce faire, ont été minutieusement démantelées, où les gens sont restés, non pas exclus, mais laminés dans leur pleine inclusion, leur plein droit, avec le vide devant eux.

 

Espoir quand même dans les révolutions arabes

 

Chacun le sait, ces mouvements nous ont émus, cette obstination de ces foules qui reviennent à la même "place", jusqu'à ce que ça passe, et que le tyran soit renversé. Mais voilà qu'aux premières échéances, les élections libres tant désirées amènent au pouvoir, régulièrement, les partis islamistes. Du coup, le réflexe de déchanter est ici très facile. La réalité semble l'imposer. Pourtant, un peu de réflexion pourrait aider à passer outre. En effet, ces peuples sont islamiques, massivement; rien d'étonnant à ce que cela s'affiche en premier, comme l'option majoritaire. Cela veut dire qu'on part de là, et qu'il faut peut-être que ces peuples puissent l'assumer pour pouvoir, un jour, s'en dégager ou prendre quelque distance par rapport à cette emprise. Jusqu'ici, ils ont été islamiques par menace ou danger: c'est ce que leur tyran disait à l'Europe. "Si vous nous lâchez, ce sera l'islamisme". Eh bien, ce qui était pointé comme un risque majeur, a besoin d'être assumé librement pour pouvoir être franchi. Cela impliquera, de la part des musulmans dit "modérés" – à supposer que cela existe – qu'ils livrent effectivement des batailles, jusqu'ici éludées. A la limite, c'est maintenant qu'on va savoir si les musulmans "modérés" existent comme mouvement réel et consistant. Jusqu'à présent, ils trouvaient commode de pointer les islamistes comme ce avec quoi "on n'a rien à voir", comme ce avec quoi le Texte fondateur, dans la version idéale qu'on lui invente, "n'a rien à voir" non plus. Ce vœu pieux, assez infondé, laissera place à de vrais engagements, des dissensions réelles, avec des victoires et des défaites pour la cause de la liberté. Sachant que, l'histoire nous l'a assez montré, il n'y a pas un groupe qui, détenant une vérité, soit capable de la garder assez longtemps pour ne pas déchoir. Les avant-gardes révolutionnaires sont normalement celles qui fournissent les futures forces de la répression. Quant à savoir pourquoi ici, en Europe, toute une pensée établie ne voit pas cette complexité, et a tendance à basculer du blanc au noir, du printemps à l'hiver, sans voir tout l'entre-deux et l'éventail des jeux possibles, une hypothèse se profile. Cette pensée relève aussi d'une identité – bonne, cela va de soi – qui se veut d'un seul tenant, et qui craint d'intégrer la faille, la cassure, la rupture de causalité, l'irruption de l'irrationnel, les impulsions de vie, qui font qu'on doit d'abord, par exemple, tenir une position pour pouvoir la quitter; d'abord aimer ses origines pour pouvoir s'en éloigner, quitte à y revenir autrement pour les quitter. C'est cette dynamique d'entre-deux, que j'ai développé depuis longtemps, semble encore une pensée trop singulière. Or l'universel de l'être ne peut se vivre que dans la singularité; à charge pour nous de veiller à ce qu'elle se déploie à nouveau dans l'universel. C'est ce que j'ai appelé la diagonale singulièrement universelle. Certains peuples semblent assez doués pour ça; nous verrons bien comment les peuples arabes vont inventer la leur.

DSK et les actes manqués

 

L’inconscient de DSK a fait deux actes manqués géniaux : l’un, faire dire par son symptôme, pas par lui, qu’il ne veut pas la présidence ; l’autre, faire pointer son symptôme d’addiction par une foule quasi planétaire, dans l’espoir d’en être libre une fois pour toutes.

Pour le premier acte, il est clair que DSK ne pouvait pas exprimer lui-même son retrait au peuple de gauche qui espérait en lui. Celui-ci a déjà eu de douloureux précédents : le retrait de Jacques Delors au dernier moment, le retrait de Jospin, à un autre moment critique. Un autre retrait aurait eu valeur de malédiction sur cette cause. Il « fallait » donc, pour le candidat porteur d’espoir, inventer une scène en acte, une chute, qui fasse dire aux autres : Non, décidément, il ne peut pas. Dommage ! Dommage ! C’est ce qui s’est passé. DSK n’a pas monté le coup, c’est plutôt son inconscient qui l’a fait tomber sous le coup, en s’appuyant sur un symptôme très puissant, l’addiction aux femmes. Le fait que lui-même ait prévenu peu avant que c’était le seul obstacle possible sur la voie de sa candidature, ajoute du sel à la chose (et sur la blessure) : on a beau être prévenu, de tels symptômes font leur travail quand même, à la faveur d’une occasion qui peut bien comporter un aspect « coup monté », lui-même prévisible, mais qui ne peut pas tout expliquer.

Quant au second acte manqué, et bien sûr réussi comme tous les actes de ce genre, il a consisté à produire cette scène gigantesque, mondiale, où tous, même les plus proches et les plus amicaux, devaient le pointer comme fautif. Même ceux qui comprennent qu’après tout c’est sa vie privée, que cela n’empêche pas d’être un grand gestionnaire, un politique avisé, un serviteur de son pays etc, même ceux-là devaient se rendre à l’évidence : Il n’aurait pas dû : chose que lui-même a reprise : Je n’aurais pas dû. J’ai fait une faute morale. L’espoir est qu’avec cette mobilisation – unique dans l’histoire d’un addict – l’addiction puisse céder. C’est aussi ce qu’il a affirmé : Je ne recommencerai plus, c’est fini. Espérons. Bien sûr, un bon travail psychanalytique aurait fait l’affaire, mais il faut savoir que ces hautes personnalités (politiques, financières…) répugnent à demander de l’aide à un bon analyste qui n’est après qu’une personne ; c’est trop éprouvant pour leur amour propre ; mieux vaut laisser courir, et en l’occurrence, obtenir l’aide du Destin quand il frappe un grand coup. Quand il ne frappe pas, ça court toujours, et ils préfèrent être soutenus et managés par des experts en relations publiques, qui briquent leur image sans toucher à l’essentiel.

Quant à sa femme, Anne Sinclair, rien n’est plus clair que sa position : elle est riche, belle, intelligente, elle a « tout » pour être heureuse, elle a un homme qui l’aime et qu’elle aime, et elle s’offrait jusque là au quotidien un concours de féminité d’où elle sortait victorieuse de toute autre femme, de toutes celles qui se leurrent, qui se laissent avoir par son homme, qui croient tout ce qu’elles veulent ; elle sait que l’Objet phallique merveilleux, l’homme, lui revient, et son retour vers elle, à chaque fois, signe l’éviction de toutes ces petites naïves, qui sortent de l’image, pour laisser le cadre intacte où la reine peut se mirer. Comme dans Blanche-Neige, quand le miroir répond : C’est toi la plus belle ! la plus femme. Les autres, c’est des « nulles ». Le miroir ne se casse que lorsqu’une autre, réellement chargée d’amour, donc d’une beauté supérieure, y apparaît. Mais ce cas de figure n’est pas prévu.