Archives mensuelles : décembre 2014

PSYCHANALYSE ETHIQUE/ Le séminaire de Daniel Sibony (2014-2015)

 

PSYCHANALYSE ETHIQUE
Le séminaire de Daniel Sibony
2014-2015 

Le séminaire reprend et fêtera sa 4Oème année.

Le "Dictionnaire vivant", dont c'est la troisième année, sera achevé : les mots restants, seront traités au fil des séances thématiques. 

Thèmes des séances successives : 

4. L'Europe dans l'avenir ; valeurs et nihilisme (le 21 janvier)

5. Rapports singuliers à la langue. Effet d'exil et d'entre-deux; la langue comme refuge

6. Textures de vie et littérature

7. La force de l’image. Le cinéma

8. Entre Bible et Heidegger, l’existence

9. Le voyage 

Le séminaire aura lieu à la Faculté de Médecine, 15 rue de l’École de Médecine, Pavillon 1 à 19h; aux dates suivantes: 18 février, 18 mars, 22 avril, 20 mai, 17 juin. Pour être sûr de recevoir un rappel, envoyer un mail à contact@danielsibony.com

Entrée: 15 euros, étudiants: 5 euros

Gratuit pour les étudiants de la Faculté de Médecine

Les Allahouakbars

    Ces agressions sur des passants au cri de Allahou akbar sidèrent l'opinion occidentale et sont un vrai casse-tête pour les experts, car ils doivent, dans leurs analyses, respecter le principe devenu fameux : ça n'a rien à voir avec l'islam.
    Mais le phénomène n'est pas étonnant pour  qui a vécu en terre arabe, entouré par l'islam traditionnel ; et c'est mon cas. Là-bas, les attaques contre les juifs (et les chrétiens, jusqu’à l'arrivée des Européens) étaient fréquentes, et surtout dans l'ordre des choses. Pendant 13 siècles elles ont eu lieu à peu près impunément, elles pouvaient être l’œuvre de fous,  de moins fous, ou de pas fous. Le fait  qu'elles expriment une vindicte inscrite dans les Textes, une vindicte légitime puisque orientée contre les ennemis d'Allah, les soustrayait à l’analyse pathologique. D'ailleurs, à ces époques, jusqu'au milieu du XXe siècle, quel psychiatre aurait osé s'atteler au problème de savoir si la vindicte d'une identité envers les autres peut avoir, ou non, un caractère pathologique ?
    Mais l'histoire est parfois cruelle : en amenant l'islam plus au fond de l’Europe,  elle amène aussi devant un public médusé des coutumes ancestrales, millénaires, que seules ont connues, pour les avoir endurées, les minorités juives ou chrétiennes dans ces pays. Les souverains, moyennant un impôt lourd et complexe, protégeaient ces minorités des agressions aléatoires venant de la foule musulmane, autant dire de n'importe qui, individus ou petits groupes. Ils avaient tout intérêt à les protéger, s’ils voulaient les rançonner efficacement. Mais aujourd'hui, la minorité juive a presque disparu des pays arabes,  la chrétienne est en train de fondre, et les croyants zélés, naïfs ou fragiles sont en libre circulation sans que personne ne leur explique que ça ne se fait pas là où on n’a pas le pouvoir. Mais « le djihad »  leur explique que ça doit se faire, même sans être organisé, embrigadé, ou efficace. Or le djihad est important dans [1]  « l’islam », qui a bâti son vaste empire par des djihads successifs, tout en étant, bien sûr, une « religion de paix ». Le djihad est un effort intérieur qui peut vouloir s'extérioriser en exprimant la vindicte envers les autres, qui ne font aucun effort pour se rapprocher de la vérité.

    Devant ces actes agressifs, dont on ne voit que les plus « fous », les médias sont très gênés ; au point qu'aujourd'hui, lorsqu’il y a une agression, et qu'on ne nomme pas l'agresseur, les gens comprennent qu'il s'agit d'un musulman ; surtout si l'on ajoute qu'il ne faut pas faire d'amalgame. Les experts officiels sont aussi très gênés. Ils pointent la folie clinique, mais ça les coupe de la réalité, celle non pas tant du « terrorisme » que du djihad ; (deux notions distinctes, bien qu’elles se recoupent). Ils invoquent le mimétisme induit par les Palestiniens ; sous-entendu : ceux-là, c'est normal qu'ils foncent dans la foule, avec couteau, voiture ou tracteur, et avec le même cri Allahou Akbar, qui dans leur cas, serait juste un petit plus, n'indiquant nullement une guerre sainte interminable jusqu'à la défaite de l'ennemi. Or ce cri signe toute sainte agression envers des non-musulmans, car c'est la mise en acte de la vindicte inscrite. (D'autres paroles plus pacifiques sont inscrites, mais celle-là l’est aussi, et on espère la recouvrir par les paroles pacifiques).  Il y a une grande variété d'actes ; par exemple, l'enlèvement des jeunes femmes au Nigéria s’est fait sous le même signe : c'étaient des chrétiennes à convertir. Et un « effort » de ce genre s'est accompli périodiquement pendant des siècles, mais c'est maintenant que le grand public peut en prendre connaissance.
    Il n’est pas dit que notre pensée européenne « des lumières » puisse affronter ces phénomènes ; elle est assez totalitaire, elle n'imagine pas que des gens puissent être pacifiques, sympathiques, et saisis de temps à autre par l'impulsion vindicative qu'ils chantent quotidiennement dans leur texte sacré. Quand des personnes sont très saisies, ou le sont fréquemment, elles formalisent leur djihadisme. Mais celui-ci peut aussi se pratiquer ponctuellement, isolément,  comme un acte pieux, certes incongru en pleine Europe ; la fréquence des cas-limites et même leur dispersion leur donne consistance, et relie toutes ces personnes, qui sont par ailleurs des braves gens, que l’on pourrait appeler des Allahouakbars. (Rappelons ce terme ne veut pas dire Dieu est grand comme on nous le répète, mais Allah est le plus grand ; sous-entendu : plus grand que les Dieux des autres ; il s'agit d'un comparatif, qui est en l'occurrence, un superlatif.)

    L’islam a du mal à penser sa division, mais l'Europe aussi y a du mal, à supposer qu'elle puisse penser la sienne. Il n’est pas facile de penser que tout être parlant est partagé, que toute pensée vivante est divisée, que c’est même  par cette division que passent la vie et l'épreuve de vérité.
    En ce sens, l'islam, à son insu, donne à l'Europe une leçon de philosophie pratique ; à charge pour elle de se montrer à la hauteur, notamment de ne pas faire la politique de l'autruche.


 [1]Il y a un insécable, un guillemet  et une virgule intempestifs

Non à l’islamophobie officielle

    À propos du viol de Créteil et des harcèlements d'élèves juifs par des élèves musulmans ; ce qui est frappant, c'est l’invariance des phénomènes, qui correspond à l'invariance de leur cause, à savoir que les enfants et les jeunes entendent dans leurs familles musulmanes des paroles antijuives, qui sont portées par la vindicte antijuive qu’on trouve aux fondements de l'islam ; on ne trouve pas qu’elle mais on la trouve, et surtout, elle  se transmet à l'identique depuis près de 14 siècles. Elle est importée en France par les musulmans, en toute innocence, puisqu'elle fait partie de leur bagage culturel. Et même quand les adultes, ce qui est rare, la mettent en sourdine ou n’en parlent pas parce qu'ils ont d'autres problèmes, les enfants prennent le relais, car ils savent deviner ce que les parents n'explicitent pas.
    L’invariance de cette vindicte fait peur aux responsables français de souche, alors ils essayent de la cacher sous des arguments politiques, comme le soutien aux Palestiniens. Mais comme c'est un peu gros, – des jeunes qui vont racketter un couple de Juifs et violer la femme, pour soutenir les Palestiniens -, on se rabat sur d'autres arguments, par exemple que ce sont des jeunes à problèmes, ou même, pour les violeurs, que ce sont des crapules. Or ils vont jusqu'au bout d'une détestation des juifs qu'exprime clairement la vindicte en question. Ce sont des extrémistes, qui passent à la limite une violence déjà prévue, déjà présente.  (Dans le cas de Fofana et de sa bande, qui a fini par un meurtre, on a prétexté le besoin d’argent, l'argent que curieusement on va chercher chez un petit salarié juif.)
    En fait, chaque fois qu'on donne une raison à ces actes, un cas surgit qui la réfute. Ici, c’est le cas d’élèves  musulmans d’un collège à Lyon, qui traquent une élève juive ; elle ne trouve pas protection chez les adultes et les responsables du collège ne prennent pas de sanctions. (Cela me rappelle une histoire identique survenue au lycée Montaigne en plein Paris, il y a près de 10 ans ; l'élève juif a dû quitter l'établissement ; et on sait que le nombre d'élèves juifs qui ne sont plus à l'école publique voisine les 50 %.) Toujours, on retrouve chez les responsables de la loi  la peur pure et simple, la peur  de l'islam; autrement dit, l’islamophobie. C'est  un paradoxe typique : l’establishment français ne cesse de dénoncer l'islamophobie, et ses membres sont les premiers à la ressentir. Ils la dénoncent chez les autres pour leur faire la morale, mais eux-mêmes ont cette peur étrange,  la peur qu’a l'homme policé, refoulé, et plutôt lâche, face à l’être pulsionnel ; la peur qui fait qu'un surveillant ou un proviseur va se cacher dans son bureau pendant ces petits « frottements intercommunautaires », c'est-à-dire pendant l'agression contre une juive, et qu’il ressort quand c'est fini, donnant ainsi un bel exemple de dignité. La peur qui fait qu'on ne sanctionne pas les agresseurs, qu'on demande aux Juifs d'être compréhensifs. On n'arrête pas les auteurs d'actes antisémites, non par antisémitisme officiel (là-dessus les discours sont d'une grande… dignité) mais par peur, pure et simple, d'aller les chercher et de risquer des ameutements.
    Par leur lâcheté, c'est-à-dire par leur islamophobie, les responsables de la loi ou du règlement trahissent leurs engagements de lutter contre l'antisémitisme, engagements ressassés qui, en restant lettre morte, non seulement encouragent les agressions antijuives venant de musulmans, mais trahissent l'espoir que des musulmans éclairés ont mis dans la loi républicaine, l'espoir qu'elle mette un coup d'arrêt à des traditions séculaires, concernant aussi les femmes, et qu'elle les aide à se dégager d'un carcan médiéval qui s'est transmis à l'identique.
    J'ajoute, sur la scène de Créteil, que son équivalent à eu lieu un nombre incalculable de fois en terre d'islam : violer des juives et voler les juifs n'avait rien d'extraordinaire, même si les juifs étaient protégés, moyennant un fort impôt, par les autorités, qui elles-mêmes pouvaient les racketter. Le problème que cela pose c’est l'installation en France d'un islam fortement traditionnel, protégé par la peur qu'en ont les autorités. De telles attaques sont des tests : tant qu'il y a cette peur, elles ne feront qu'augmenter. Le seul recours c'est que les responsables du pouvoir surmontent leur peur.