Le paradoxe dans cette impasse de l’Europe avec la Grèce, c’est que les bureaucrates demandent à ce pays des mesures rigoureuses qui en réalité sont en faveur du peuple : faire payer les très riches, collecter les impôts, alléger la corruption, etc. Tout ce qui devrait faire partie d’un programme de gauche. Or le gouvernement de Tsipras est tout ce qu’il y a de gauche. Donc l’Europe lui demande d’être ce qu’il est. Mais voilà, quand on arrive au pouvoir sur un programme, qu’il soit de gauche ou de droite, on est plus soi-même, on pense d’abord à conserver le pouvoir ; la classe politique tient d’abord à son privilège minimal, que chacun de ses membres garde sa place, et que la lutte des places dans ce microcosme batte son plein. Bien sûr, on rappelle les principes, les programmes, sur lesquels on s’est vu « confier le pouvoir » par « le peuple », mais de là à passer aux actes, il y a un délai qui ne cesse de s’allonger. Ce que l’Europe des bureaucrates exige, avec raison, c’est qu’on réduise ce délai. Le réduire brutalement, à un instant, à un trait qu’on tire pour faire l’addition, c’est éjecter la Grèce de la zone euro. Le réduire à une durée « raisonnable », c’est se donner un nouveau délai, au bout duquel on constatera que pas grand chose n’a été fait, et ce sera le même problème. C’est dire qu’il y a une perte de dignité, dans ce grand écart entre les paroles et les actes. Mais cette perte qui atteint le gouvernement grec, va se transférer à l’identique sur les dirigeants européens : ils ne feront pas ce qu’ils disent, ce que disent les règles du jeu. Cela laissera la place à toute sorte de plaintes et de complaintes, de gémissements de la part des mauvais joueurs, pour dire que les règles ont été abusives, impitoyables, etc. Mais c’étaient les règles.
De sorte que le pouvoir grec, dans l’impasse, non seulement face à l’Europe mais aussi face à lui-même et à ses propres principes, n’a eu d’autres sorties que l’ameutement du peuple, pour qu’il dise « Non » à ce qu’imposent les règles du jeu. Et les responsables européens vont se dégonfler devant cet ameutement.
Certes, beaucoup d’entre eux seront guettés, plus ou moins vite, par le même type de faillite ; faillite de la parole par le manque d’action.
Tout cela veut dire aussi que ce n’est pas seulement face aux pressions de l’islam que l’Europe montre une certaine lâcheté ; c’est face à toute pression qui relève de l’ameutement, du cri, de la plainte, de la pression corporelle, du risque de violence ; une violence qui n’irait pas bien loin, mais où des corps peuvent s’entrechoquer. Et ça, c’est l’horreur, c’est ce dont le bureaucrate a le plus peur. Les responsables qui deviennent lâches ont surtout peur de l’atteinte physique, du contact charnel, de l’empoignade qui les secoueraient et qui feraient tomber un à un les semblants dont ils se sont parés. Dans ce point phobique, la peur pour son corps et la peur pour sa place se rejoignent. C’est peut-être le noyau de la grande lâcheté qui vient.
Archives mensuelles : juillet 2015
Appartenance et Foi
Hier, j’ai été à l’hôpital voir un ami médecin, et une jeune femme africaine m’a parlé des bienfaits de la greffe qu’elle avait eue. Elle parlait de ce bienfait en le reliant aux bienfaits de Dieu : c’est ma foi qui m’a porté dans les moments de détresse, c’est lui qui m’a aidé et m’a soutenu dans l’épreuve, etc. Elle est musulmane. Je lui ai dit que ces paroles se trouvaient telles quelles dans les Psaumes – « Qu’est-ce que c’est les Psaumes ? – C’est un livre qui fait partie de la Bible et dont le nom exact c’est Gloires, ce sont des poèmes qui glorifient l’être divin ». Elle ne connaissait pas la Bible non plus.
Et voilà que ce matin en terminant mon café, j’ouvre la radio, c’était France Culture qui commençait une série d’émissions sur l’Islam ; que d’aucuns qualifieraient de propagande puisque la conquête d’un vaste empire par le Sabre et le Coran y semble une expansion naturelle sans aucun détail sur l’islamisation des pays successifs ; mais peu importe. L’homme qui parlait d’une voix grave et fervente disait que « l’Arabie est une presqu’île qui porte la marque de Dieu » puisque lorsqu’elle fut créée, Dieu lui a demandé : « Comment traiteras-tu tes enfants ? » Elle lui a répondu : « Je les porterai sur mon dos dès lors qu’ils chanteront ta gloire. » Cela m’a rappelé que l’effort de Mahomet puis son vœu final, qui fut accompli, a été d’éradiquer toute présence juive ou chrétienne d’Arabie. Pourtant ces juifs et ces chrétiens chantaient la gloire de Dieu dans leurs Psaumes. Mais justement, des paroles que l’islam peut cautionner, à la gloire de Dieu, mais qui ne sont pas dites sous le signe de l’islam et en son nom, n’étaient pas admissibles. Mahomet l’a dit clairement de son vivant à une dame qui le questionnait là-dessus : même une parole vraie sur la religion, dite par un non-musulman, n’est pas admissible alors même qu’elle procède des sources de l’islam, à savoir la Bible ; il faut qu’elle soit dite au nom d’Allah et de son prophète. Autrement dit, l’appartenance à la Oumma importe plus que le contenu des paroles qui la fondent puisque celles-ci se retrouvent dans d’autres textes qui ont servi de source. En somme, le projet est avant tout politique et communautaire, avec des mots d’ordre en principe unificateurs, faits pour forcer les gens du Livre (juifs et chrétiens) à se rallier, puisque ces paroles ne font que répéter leurs croyances tout en les simplifiant. Ces mêmes paroles, jointes à la force des armes devaient aussi rallier la masse des non-croyants en leur révélant l’existence d’un Maître absolu du monde, qui ne demande qu’une chose : la soumission. Les musulmans étaient soumis à Dieu, et les autres devaient se soumettre aux musulmans avant de le devenir à leur tour.