Archives mensuelles : mai 2018

Des effets de langage dangereux

À propos du Proche-Orient

« La vie et la mort sont aux mains de la langue » dit un proverbe. C’est aussi vrai au niveau politique et militaire. La « guerre des six jours » (juin 67) est évoquée cette semaine à la radio. Je me souviens du jour où elle a éclaté. J’étais chercheur en maths à l’institut Poincaré, je suis allé au Luxembourg tout proche faire une pause, et j’entends à la radio d’un voisin : les avions israéliens survolent Le Caire. Petite sensation d’irréalité – et de soulagement – après un mois d’inquiétude et même d’angoisse : tant d’armées et d’États arabes qui se préparent à attaquer, tant de foules appelant à la guerre sainte (et la belle Oum Kalsoum chantant « égorge ! égorge ! » comme lors des grands sacrifices).

Si l’on consulte la presse d’un bon mois avant cette guerre, on voit des appels arabes qui brandissent la guerre comme seule issue, qui l’annoncent pour ainsi dire, et on entend Nasser dire qu’ « il n’y a aucun modus vivendi » avec l’État juif, que son existence même est une agression. Si on connait les dessous théologico-politiques de l’affaire, on reconnait le discours fondamental, voire coranique, mais dans une bouche nationaliste ; discours contre toute souveraineté juive. Il y a donc eu des effets de langage irresponsables, dont l’auteur ne calcule pas les conséquences ; or elles sont claires : l’état-major hébreu comprend que ce serait la guerre totale et décide, pragmatisme oblige, d’attaquer le premier, clouant au sol toute l’aviation arabe. La victoire s’ensuivit en une semaine.

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D’un dialogue fructueux avec l’islam

J’ai dialogué avec des islamologues et même avec un imam sur la violence du Coran envers les « gens du Livre » (juifs et chrétiens)[1]. Leur position n’est pas simple : ils nient la violence en question tout en l’admettant sans la reconnaître…Je comprends ce déni : ce n’est pas facile de vouloir vivre « avec » les autres et d’adorer un Texte qui les maudit. (Voir là-dessus mon nouveau livre : Un amour radical, croyance et identité). Le plus souvent, ils tenté d’imputer la vindicte aux circonstances, au contexte, ça ne marche pas trop mais peu importe. En revanche, deux arguments qu’ils énoncent méritent attention. L’un c’est que les sentiments antijuifs sont apportés par les musulmans de leur pays d’origine comme un élément « culturel » ; donc la culture là-bas   est marquée par cette vindicte, et on sait que la religion y est cruciale. Ils reconnaissent ainsi le problème.

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